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Les explications du ministère français de l’agriculture suffisent-elles à justifier l’interdiction d’El Mordjene ?

Le : 25-09-2024 à 08:28

En quelques semaines, la pâte à tartiner algérienne El Mordjene, produite par la société Cebon, est passée de simple produit alimentaire à symbole d’un affrontement économique. Son interdiction sur le marché français a révélé les coulisses complexes des réglementations européennes et mis en lumière les possibles influences des lobbys de l’industrie agroalimentaire. Face à cette décision, le ministère français de l’Agriculture a dû s’expliquer, suscitant encore plus de questions qu’il n’en a résolues.

En effet, selon le ministère français, la suspension de l’importation d’El Mordjene serait due à des « déclarations à l’importation erronées ». Cette justification, faite dans une déclaration au quotidien « Les Echos », trouve son origine dans une demande de clarification émanant d’un transitaire chargé des formalités douanières. Après expertise, il a été conclu que le produit ne remplissait pas les critères pour entrer sur le marché européen, en s’appuyant sur le règlement européen (UE) 2021/405, qui détermine les pays tiers autorisés à exporter certains produits alimentaires vers l’UE. L’Algérie, où est produit El Mordjene, ne figure pas sur la liste des pays autorisés à exporter des produits laitiers, en raison du manque d’établissements agréés par l’Union européenne.

Cependant, le ministère a précisé qu’aucun risque sanitaire n’a été identifié pour les consommateurs, ce qui a suscité l’incompréhension et la frustration de nombreux observateurs. Si aucune menace sanitaire n’a été détectée, pourquoi alors interdire le produit ? Ce flou alimente un débat plus large, où l’aspect purement commercial semble entrer en jeu.

Un Succès qui Dérange

Face à cette situation, Cebon a rapidement réagi. Le porte-parole de la marque, Ouzlifi Amine, a fermement rejeté les motifs avancés par les autorités françaises. Il a rappelé que la pâte à tartiner est fabriquée à partir de poudre de lait importée directement de France, soulignant ainsi que le produit ne devrait pas être concerné par les restrictions sur les importations de produits extracommunautaires. Selon lui, le succès grandissant d’El Mordjene, particulièrement en France, pourrait être l’une des véritables raisons de cette interdiction.

Pour Cebon, cette mesure est interprétée comme une tentative de freiner l’essor d’un produit devenu trop populaire et potentiellement menaçant pour les grandes marques déjà bien implantées sur le marché européen, telles que Ferrero, le fabricant de Nutella. M. Ouzlifi a également rappelé que la pâte à tartiner El Mordjene est déjà exportée vers des pays comme les États-Unis et le Canada, sans aucune difficulté ni restriction, ce qui jette davantage le doute sur les véritables motivations derrière cette interdiction en France.

L’Influence des Lobbys dans la Ligne de Mire

La polémique ne s’est pas arrêtée là. Très rapidement, l’affaire a pris une tournure plus politique et économique, soulevant des interrogations sur le poids des lobbys industriels dans cette décision. Le marché français de la pâte à tartiner est largement dominé par Nutella, et l’arrivée d’un nouveau concurrent, apprécié pour sa qualité gustative et son rapport qualité-prix, pourrait menacer ce monopole.

Les réseaux sociaux se sont emparés de l’affaire, avec de nombreux influenceurs vantant les mérites d’El Mordjene, certains affirmant même que la pâte algérienne surpasserait Nutella en termes de goût et de texture. Pour ces défenseurs, l’interdiction ne serait qu’une manœuvre des grands groupes pour protéger leurs parts de marché face à un nouveau concurrent en pleine ascension.

Une Affaire qui Va au-delà du Marché Français

Cette interdiction semble illustrer les tensions croissantes entre petits fabricants émergents et géants de l’industrie agroalimentaire. Si El Mordjene a été temporairement stoppée aux frontières françaises, la marque algérienne bénéficie désormais d’une notoriété accrue. Ce combat symbolise bien plus qu’une simple bataille commerciale : il révèle les enjeux de concurrence sur le marché mondial, où des produits locaux peuvent, malgré les obstacles, se faire une place parmi les grands.

L’avenir de la pâte à tartiner El Mordjene en Europe reste incertain, mais son succès auprès des consommateurs pourrait bien faire pencher la balance.

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